Liu Bao : La fin de l'errance

Les cheveux de Liu Bao furent tirés brusquement en arrière sous la violence d'un peigne enduit d'huile parfumée et les battements frénétiques la renseignèrent sur l'état de stress dans lequel se trouvaient ses "soigneuses"...

La porte de bois et de papier qui séparait la salle de bain et le couloir s'ouvrit avec une douceur parfaitement mesurée, ferme et gracile à la fois...
Mouvement tendu autour de la jeune aveugle : les deux baigneuses s'étaient dressées d'une seule femme et s'inclinaient déjà devant celle qui venait de rentrer dans la pièce...

- Nü dajie ! firent les deux jeunes femmes respectueusement...

Une voix glissante comme de la soie et sucrée comme une pêche d'été interpella l'oreille de Liu Bao avec un certain amusement...

- Voilà donc l'épouvantail que nous a ramené Shan Sa.... La souillon est vilaine comme un pou, ne gaspillez pas toutes les huiles pour sauver l'apparence de cette fillette...

Une main soyeuse glissa dans le bain et éclaboussa le visage de la jeune fille blessée, tandis qu'un rire cristallin s'échappait de la bouche de la courtisane en chef...

- Qu'allons nous pouvoir faire de toi, petit pou ? Et qui t'as maltraitée de la sorte ? fit la femme en prenant le poignet blessé de Liu Bao et en saisissant un pot en grès à proximité du baquet.... Ne me dis pas que c'est un accident, je ne te croirais pas...Si tu te tiens tranquille, je te recoudrais ça en peu de temps...Si tu le laisse s'infecter, ma foi, c'est à ta convenance...

Liu Bao ne put s'empêcher de tiquer en entendant les paroles de la courtisane

-"Tu serais surprise de savoir ce qui est beau et ce qui ne l'est pas, de mon point de vue, Da Jie."

La fillette grimace quand la courtisane prend sa main, mais se laisse faire, puis répond à la question

-"Je ne suis qu'une humble mendiante, et il parait que je parle trop - certains le prennent mal, et tentent de me remettre à ma place..." un sourire plein d'arrogance se dessine sur son visage "...et aucun n'a jamais réussi."

- Indépendante et insolente...Autant dire que tu te destine à une courte vie.
Ceci dit, l'imprévisibilité est une valeur rare et précieuse, surtout en temps de crise.
Lorsque je t'aurais relâchée, que compte tu faire réellement ? Errer encore de part le monde, en attendant que des brigands te revendent ou que les Jin accroche ta peau en trophée ?
Si tu sais garder ta langue et consens à apprendre deux ou trois tours, j'ai une idée qui risque de t'assurer une vie décente...Sinon, ma foi, ma porte s'ouvrira facilement sur le parterre de boue qui t'a vu naître si tu tiens absolument à y retourner...

Un bruit sourd résonna à l'extérieur du bordel, au niveau des portes désormais closes

- Au nom du préfet, veuillez ouvrir cette porte !

Un souffle amusée répondit à la panique apparente des petites servantes qui se demandait quoi faire...

- Je crois qu'il va falloir précipiter ton choix...et espérer que ton ami dorme comme un bébé. Préfère tu l'errance ou puis je te prendre comme travailleuse ?

-"Si on frotte la boue, on peut trouver autre chose. Enfin je crois. De toute façon, je ne vais pas renoncer maintenant - j'avais mille occasions de le faire, et je les ai toutes ignorées. Si les choses se résument à leur apparence immédiate, alors ma vie n'a aucun sens. Je te remercie pour ton hospitalité... Souffre ma présence encore quelques instants, et tu sers débarrassée de moi."

La fillette prend un profonde respiration, et s'immerge entièrement dans le bain au moment précis où la porte s'ouvre

* Maintenant, je dois ralentir mes flux... M'endormir, pour durer... Effacer peurs et pensées volages... Penser comme pensent les lacs... *

je mets 3 points de neigong pour (tenter de) ralentir mon métabolisme et rester plus longtemps dans l'eau

Pas très à l'aise dans la maîtrise de son souffle, Liu Bao plongea néanmoins au fond du baquet, jusqu'à en sentir ses poumons éclater : en effet, elle n'avait jamais appris autrement que par empirisme à maîtriser sa respiration, mais ne pouvait prendre le risque de remonter à la surface....
Dans un même temps, elle pouvait sentir un rapide mouvement d'éclaboussure dans l'eau et le frémissement caractéristique de la soie glissant sur une peau parfaitement lisse... En quelques secondes, le baquet fut recouvert du vêtement que portait Nü alors que la jeune femme s'enserrait la taille d'un drap très mince.
Lorsque les militaires entrèrent presque de force dans la pièce, poussant brutalement l'une des servantes qui gagnait du temps, la cohorte fut stupéfaite de se retrouver face à la patronne de l'établissement, le corps à peine couvert d'une mince gaze, les cheveux défaits et le corps dégouttant d'eau

- Est ce une manière d'entrer chez les dames, sous-préfet ? Vous m'habituâtes à bien mieux, il me semble...

La voix serrée du militaire se contint avant de répondre...

- Mes excuses, Dame Nü, il me semblait que...

- Il vous semblait que mes servantes ne faisaient que leur devoir, empêcher les clients les plus mal élevés à faire n'importe quoi...Je ne me suis jamais refusé à vous donner satisfaction par le passé, je ne vois pas pourquoi vous usez aujourd'hui de ces stratagèmes... interrompit Nü...

- J'en suis navré...La bonne soirée, Dame Nü, nous nous retirons...

La jeune femme attendit un instant immobile dans la pièce avant de pousser un soupir de soulagement, tandis que, les poumons en feu, Liu Bao refaisait surface, toussant comme un beau diable et la tête recouverte de la robe de soie dont la maquerelle avait recouvert le baquet...

- Les hommes ne sont vraiment pas plus malins que des ânes parfois. Touchez le au bon endroit et ils suivront la cadence...Tu peux sortir, bravache petite peste...Ils ne reviendront pas ce soir et ton ami à été suffisamment malin pour ne pas faire d'esclandre...

Un peu confuse et très essoufflée, Liu Bao salua la courtisane

-"Je te remercie, Grande Soeur..."

Elle sort de l'eau et frissonne

-"Je peux avoir des vêtements ?"

- Bien sûr...

Quelques minutes plus tard, Liu Bao se retrouvait vêtue de ce qu'elle analysa comme étant un vêtement de soie fine, probablement l'étoffe la plus douce qu'il lui avait été donné de porter depuis sa naissance...

- Ton ami a quitté les lieux en s'assurant que tout allait bien de ton côté...Il reviendra te chercher au moment opportun a t-il dit.
En attendant, je suis curieuse de savoir ce que tu as fait pour avoir Suksuhu aux trousses. Il n'est pas du genre à se préoccuper de l'arrestation des fillettes mendiant le mantou ( boule pain de mie bouillie) dans le rue.

*Je n'ai aucun intérêt à le lui cacher, car elle le découvrira sûrement rapidement... *

-"Parfois les mendiants se rebiffent... c'est ce qui est arrivé aujourd'hui. La plupart sont morts, mais moi et mon oncle avons pu fuir. Mais la vrai raison pour laquelle il me poursuit, c'est que je lui ai tenu tête !" Elle montre sa main percée de part en part "Cette main a brisé sa lance ! La prochaine fois, ce sera ses os ! Il le sait, et cherche à me rencontrer tant que je suis blessée, parce que c'est un lâche !"

- Ho, je vois....Un membre de la Fraternité des mendiants, hein ?

Ajustant les replis des vêtements de Liu Bao afin que ceux-ci soient parfaitement en ordre, la femme poussa ensuite la mendiante vers le couloir intérieur du lupanar.

- Les mendiants sont fiables, Tao aussi...Ceci dit, je ne comprends pas très bien leur but. Envahisseur, empereur, tout passe mais la poussière se redepose au même endroit sur nos tombes. Mieux vaut savoir saisir la vie au vol plutôt que de vouloir changer l'immuable.
Que feras tu par la suite ? Rencontrer Suksuhu, le tuer ? Tu veux que je t'organise une rencontre face à lui ? Et ensuite, si tu ne meures pas, ce qui me semble plus qu'improbable, où iras tu ?