Maison de Thé de Lü Ye

La jeune femme murmura discrètement à l'oreille de la jeune femme qui se penchait pour lui donner quelques pièces de cuivre

- Il y a quelqu'un qui vous suit, gu niang...Un jeune homme...Il porte une épée dans le dos et je vois bien qu'il tente de se faire discret. Méfiez vous !

Surprise, je me penche vers Xiao Hu Li. Je ne comprends pas pourquoi il prend les choses ainsi. C'est pour son bien que je le laisse...

- Mais non voyons ! Tu vas me manquer ! Mais tu ne veux pas aller là où il y a la guerre, tout de même ?

- Merci beaucoup, répondit-elle sur le même ton en se redressant.

Elle salua la jeune femme et s'éloigna par une rue transversale, puis chercha à apercevoir celui qui la filait avec plus ou moins de discrétion. Qui pouvait bien savoir qu'elle était là, et surtout qui donc voulait savoir où elle allait ?

Qing Yu Yan se déplaça avec une certaine discrétion dans les petits chemins de terre battue du village.
Malgré la rapidité de son poursuivant, elle était persuadé d'avoir reconnu l'homme en question : il s'agissait de ce casse-pied de Jin Lan Si ! Le manque d'endroit propices à se cacher le desservait, et, se snetant découvert, il abandonna toute idée de passer inaperçu, mais garda ses distances avec la jeune femme.

Xiao Guang

Le gamin haussa les épaules

- La guerre, je connais....J'm'en fiche. J'peux me défendre, tu as vu ce que je suis capable de faire ? Si t'avais pas aidé ce Jin, il serait plus capable de tirer à l'arc...Pllus tard, j'serais ou Wu Xia, comme Jin Lang Si !

Je soupire.

- Je ne suis pas sûre que tu aies choisi la meilleure voie, mais tu as encore le temps de te décider. Et puis, tout serait peut-être préférable que de te laisser seul... On partira demain à l'aube.

Yu Yan commençait à en avoir assez de ce héros qui la suivait sans doute depuis le monastère. Elle se glissa donc dans une ruelle, échappant pour quelques instants à la surveillance de l'espion, et attendit qu'il passe devant elle pour l'apostropher.

- Dites, vous allez me suivre encore longtemps comme ça ? Vous ne croyez pas que j'ai assez de problème comme ça sans en plus vous avoir à mes trousses ?

Sachant par avance avoir été repéré, le jeune homme feint la surprise quelques seconde avant de se reprendre

- Parce qu'après avoir aidé un de nos ennemis vous espériez que je vous laisse un instant de répit ? Qui est ce qui me dit que vous n'êtes pas un espion à la solde des Jin ? Et pourquoi voyagiez vous en sa compagnie ?

En fronçant les sourcils, il prit une pose beaucoup plus hostile

- Je vous préviens, je ne frappe jamais les femmes, mais je pourrais faire une exception !

Xiao Guang

L'enfant battit des mains de contentement.
Les moines prirent soin de donner suffisamment de nourriture pour la durée du voyage et leur fournir des mules, pour faciliter leur trajets

- Le Bouddha vous garde, mes enfants, la route n'est pas longue, mais ne trainez pas : mieux vaut arriver au fort avant la nuit....

Le moine glissa un petit chapelet de bois, à porter en bracelet à la jeune femme

- En espérant qu'il vous protégera.

Je m'incline respectueusement.

- Merci mille fois pour tout.

Puis je me mets en route, Xiao Hu Li à mes côtés, à qui je demande des détails sur sa vie avant, sur ses acrobaties... Je mets à profit le temps du voyage pour mieux connaitre ce compagnon improvisé.

Je rends le collier de jade en souriant.

- Notre histoire a des points communs, sais-tu ? Je suis moi aussi orpheline... et je n'ai qu'un chapelet de jade pour m'indiquer qui étaient ma parents. J'ai abandonné l'idée de les retrouver depuis bien longtemps, mais qu'en est-il de toi ? Cet alphabet étrange pourrait être un indice...

- Ne me menacez pas, je vous prie. Nous ne nous connaissons pas assez pour être aussi familiers l'un envers l'autre. Effectivement, j'ai aidé un homme qui m'a sauvé la vie, mais ce n'est pas mon ennemi. Je ne suis pas Song et je paie toujours mes dettes.

Elle le toisa sans colère, mais sans avoir non plus l'intention de se laisser faire.

- Un espion des Jin ? Pourquoi est-ce que j'espionnerais pour le compte d'une armée que je fuis ? Vous croyez que quand leur général me remettra la main dessus, il va avoir la moindre pitié ? Certainement pas après ce que je m'apprête à faire.

Elle le regarda un instant sans rien dire, les yeux plissés.

- Vous connaissiez du monde, à Jilin ? Je cherche une fille, peut-être l'avez-vous déjà vue. Elle portait ça autour du cou.

Yu Yan lui montra le pendentif en jade qu'elle lui avait donné.

- Elle pourra vous dire que je ne suis pas un espion. Il faut que je la retrouve, elle est en danger de mort.

L'aplomb de la jeune femme fit perdre toute l'assurance du jeune homme.
Il n'était pas habitué à tomber face à une réaction aussi pondéré, surtout de la part d'une femme.
Il abaissa son arme et la rangea, avec un air qui en disait long sur sa méfiance et observa le bijou...

- Je...hum...Je..Oui, je connais ce pendentif.. dit-il en se frottant la tête nerveusement, comme gêné... Vous...heu...Vous croyez qu'elle est ici ? Enfin je veux dire, non, je ne connais pas le propriétaire de cette babiole, c'est...heu...juste un signe distinctif comme tant d'autre hé hé...Il doit y avoir un salon de thé ici..Près de là ou se trouvait la musicienne. S'il y a une cage à oiseau suspendu au premier étage, c'est qu'elle doit se trouver là bas...Enfin je veux dire le groupe...oui c'est ça...le groupe doit se trouver là bas...

En reculant de quelques pas, il était possible de distinguer le salon de thé.
Trois individus, habillés de la même manière et tout en arme y pénétrèrent avec un air crâne

- C'est la secte du Quatrième Cinabre...Je ne les savais pas dans le coin. S'ils y sont c'est qu'ils doivent avoir un défi à relever. Ca tombe vraiment mal...

Xiao Guang

Mis en confiance par les avoeux de Xiao Guang, le garçon secoua la tête....

- Pas la moindre idée. Je sais que ce n'est pas du Jurchen, la langue des Jin, ça ne ressemble pas...

Devisant encore un peu, le duo traversa sans encombre la route qui menait à la forteresse : plusieurs centaines de personnes attendaient, les uns portant des charriots avec toutes leurs possessions, les autres des enfants dans des paniers à balanciers.
Les soldats peinaient à maintenir l'ordre dans la masse de personne, pour les faire rentrer un par un dans le gigantesque château...

Nous mettant au bout de la file, j'attends patiemment que vienne notre tour, priant dans le même temps.

- Alors il n'y a pas de temps à perdre. Allons-y !

Elle attrapa sa main et l'entraîna derrière elle en direction de l'auberge. Il fallait qu'elle prévienne cette fille dont elle ignorait le nom, les troupes du Jin étaient en route et ils les chercheraient dans toute la ville, elle et ses amis.
Ils entrèrent à peine quelques instants après les hommes de la secte, et Yu Yan leva les yeux pour apercevoir la cage.

* Faites qu'elle soit là... Faites qu'elle soit là... *

Les espérances de Yu Yan furent comblée...Un petite cage de cuivre était suspendue à la fenêtre du salon de thé...
Jin Lan Si devint blême...

- Bon...Hé bien...Heu , vous aviez raison...Elle...Elle...Maintenant, je crois que je vais vous souhaiter bonne chance, hein...et vous laisser à vos occupations...Hé hé...

Sa voix trahissait une certaines gêne, comme un enfant cherchant à éviter de croiser le propriétaire d'une demeure dont il vient de casser une fenêtre

- Hé bien, bonne chance et ne me suivez plus. Elle n'est pas très commode, et vous aurez des ennuis si elle vous prend à m'espionner.

La danseuse chercha des yeux la fille qu'elle avait rencontrée quelques nuits auparavant dans le Yamen. Il fallait qu'elle la prévienne, sinon ils allaient tous mourir et c'était la seule qui soit capable de l'empêcher.

Le jeune homme haussa les épaules

- Je le connais son caractère....Je pense que j'aurais simplement des ennuis si elle me voit....Quel manque de pot vraiment... ajouta t-il sans rentrer dans l'établissement. Je vous attend ici. On ne sait jamais, je n'ai pas encore toute confiance en vous.

Le salon de thé était curieusement plein, alors que le village de Lü Ye n'était qu'une ridicule bourgade de campagne.
La réputation des gâteaux de blé confectionnés par la patronne n'était peut-être pas surfaites, mais insuffisante pour justifier une population aussi hétéroclite.
Assise à une table, près de deux autres personnes d'âge moyen, Zheng Hua, la jeune femme que Yu Yan avait croisé discutait discrètement en jetant des regards à la dérobée...
Ses yeux s'arrondirent à l'apparition de la courtisane, et les deux autres personnes présente, un vieil homme dépenaillé et un garçon au cheveux courts maintenue dans un chapeau de feutre de paysan, se retournèrent brusquement.

Yu Yan monta les escaliers à sa suite et fit face à la jeune femme qu'elle cherchait partout depuis son arrivée en ville. Elle lui fit face, tentant de maîtriser ses mains, et parla d'une voix tremblante.

- Il faut partir, demoiselle, c'est un piège ! J'ai entendu Nuarchi dire que c'était une embuscade juste avant qu'il ne parte. Il m'a envoyée hors de la ville avec une escorte, mais nous avons été attaqués par des Khitan. J'en ai profité pour m'enfuir, je ne pouvais pas rester comme ça, sans rien faire... Il fallait que je vous prévienne !

Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle, affolée.

- Je dois m'en aller, loin de lui ! Je ne veux plus retourner là-bas. Mais je... je voulais vous prévenir. Vous avez été... gentille avec moi.

La jeune femme hocha la tête avec entendement.
Elle prit rapidement les mains de Yu Yan dans les siennes

- Vous n'avez plus rien à craindre de lui désormais, nous serons là pour vous protéger....Je suis persuadé que notre ancien groupe hébergeait un traître en son sein, j'en ai parlé à mes deux plus fidèles frères d'armes qui sont en bas. Si Nuarchi a été prévenu, c'est sans doute à cause de lui...Mais en attendant il faudra vous mettre en sec...

Zheng Hua n'eut pas le temps de terminer sa phrase que le bruit d'une table brisée et les hurlements des clients retentirent en bas...
Les quatre individus de la Secte grimpaient les escaliers avec vélocité

- Le maître se contrefiche de l'avoir morte ou vive ! C'est sa tête que nous voulons ! Je m'occupe des deux autres idiots ! Montez !

La jeune femme paniqué, lorgna du coté de la fenêtre

- Vous savez sauter ?

Yu Yan la regarda, affolée. Sauter par la fenêtre ???? Mais elles étaient au premier étage !

- Sauter... ? Je... Dans l'absolu, oui...

Les bruits de pas dans l'escalier se précipitèrent et la jeune femme cessa de réfléchir. Elle ouvrit la fenêtre, regarda en bas. Il y avait toujours ce garçon qui attendait en bas.

- Venez ! Ne traînons pas par ici !

Elle monta sur le rebord et sauta, priant les dieux de ne rien se casser en arrivant au sol.

Une volée poignard traversa la pièce et l'un d'entre eux se ficha dans l'épaule de Zheng Hua qui enlaça Yu Yan pour la protéger, lui laissant échapper un cri, en passant par la fenêtre avec un inquiétant déséquilibre.
Un main vigoureuse rattrapa la jeune fille alors que les deux jeunes femmes plongeaient dans le vide.
Le jeune voleur, une main accrochée à l'encadrure de la fenêtre, les pieds collés au mur tenait les deux femmes par la seule force de son bras droit, le visage rougit par l'effort.
Les deux regards se croisèrent, bien que le garçon semblait au maximum vouloir l'éviter, Zheng Hua écarquilla les yeux de stupeur...

- Toi ?
- Plus tard....Tu es blessée ?
- Non..., dit-elle doucement, avant de prendre conscience de son inconfortable position au dessus du vide. Ca va aller maintenant, lâche moi !, fit-elle en se secouant
- Je m'occupe d'eux, fichez le camp !, ordonna t-il en relâchant la jeune femme, qui atterrit avec une extraordinaire légèreté sur le sol, beaucoup plus assurée qu'après sa blessure.

Jin Lan Zi plongea dans l'auberge et des bruits de coups résonnèrent suivit de quelques hurlements.... De temps à autre, les sarcasmes de Jin Lan Zi s'entendaient entre deux craquements de bois sinistres.

- Hé ! C'est vous qui allez payer la casse ? Faîtes attention où vous jetez votre tête, les gars ! Je suis sûr que cette table valait au moins 3 taels...

Zheng Hua arracha le pointe de fer et montra les chevaux des membres de la secte attachée derrière la maison de thé.

- Ce prétentieux s'en tirera bien. Profitons en pour filer. Tu conduis, je ne suis pas en état.

Yu Yan sauta sur le dos de la monture et l'aida à se hisser en selle, puis prit les rênes des autres et s'éloigna aussi vite que possible de l'auberge, direction les écuries de la ville.

- Mon cheval ! Il faut que je le récupère, ils vont le reconnaître sinon, et ils sauront que je suis venue ici !

Elles arrivèrent rapidement là où la danseuse avait laissé le cheval du Jin, puis elles filèrent par la porte de la ville après que Yu Yan eut passé sa ceinture autour de leurs deux tailles. Elle n'avait pas envie de la perdre en route.
Elle lança leur moyen de locomotion au galop et demanda :

- Où va-t-on, à présent ?

La jeune femme secoua la tête

- Je n'en sais rien....Je ne sais même plus à qui faire confiance et les membres de ma confrérie ont été décimés...Merci en tout cas pour m'avoir avertie.
Arrête toi un moment ici, que je me fasse un bandage décent...

C'est la première fois que Yu Yan voyait le visage de Zheng Hua en entier : il s'agissait d'une très jeune femme, d'une vingtaine d'années à peine.
Ses cheveux étaient attachés par une natte enroulée à l'arrière, de sorte qu'on aurait pu croire qu'elle portait les cheveux courts. Son teint hâlé attestait qu'elle ne faisait pas vraiment attention au soin corporels et plusieurs cicatrices couvraient son cou et l'une de ses joues. Son expression sérieuse renforçait l'idée qu'elle était un soldat avant d'être une femme, du moins essayait-elle de s'en convaincre elle même....
Une fois à l'abri d'une petite taïga, où coulait un petit ruisseau, elle sauta du cheval et découvrit son dos, marqué d'un tatouage stylisé représentant un oiseau noir...Elle appliqua consciencieusement un baume sur sa plaie et grimaçant un peu.



- Et toi, où compte tu aller maintenant ? La forteresse de Tian Chi à l'air de tenir bon, mais je ne sais pas pour combien de temps...Peut-être que tu devrais aller à Hang Zhou, la capitale, c'est encore tranquille là-bas.
Moi j'ai toujours grandie ici, je me vois mal recommencer ailleurs...Ce que je ne sais pas, c'est ce que le Quatrième Cinabre a à voir la dedans. Je sais que leur chef est un arriviste de première, mais de là à vouloir se faire bien voir des Jin, il y a une marche. Quelque chose cloche dans cette histoire...