Maison de Thé de Lü Ye

- Attendez, je vais vous aider.

Yu Yan prit en souriant le baume de ses mains et en enduisit la plaie avec application, puis posa un pansement qu'elle fixa solidement. Ses gestes étaient doux, patients.

- Je crois que je vais aller à la citadelle. Je n'ai rien à faire à la capitale, je ne serai rien d'autre que la compagne d'un homme qui ne me considèrera pas plus que ce que j'étais avant. Peut-être que je pourrais aider là-bas... Je ne sais pas. Je ne sais rien faire d'autre que danser.

La jeune femme grimaça puis sourit à Yu Yan : c'était bien la première fois que la courtisane la voyait sourire...

- C'est mon père qui m'a apprit à faire ce cicatrisant. Il sent horriblement mauvais, mais il est efficace.
Il était alchimiste avant l'invasion de ma ville, j'ai appris deux ou trois choses avec lui.

Elle s'arrêta brusquement et reprit son air de circonstance en remontant sa veste

- Tu as raison. Les hommes sont tous les mêmes de toutes façons, il est inutile de chercher à leur faire confiance....Ils ne pensent qu'à une seule chose, puis vous lâchent une fois qu'ils ont eu ce qu'ils voulaient.
Je pense que là bas, on a besoin d'artistes, au moins pour remonter le moral des gens. J'ai connu ce qu'ils ont vécu, j'aurais bien aimé me changer les idées à l'époque.

Elle remonta sur le cheval avec légéreté

- Je vais t'y amener. Après tout je n'ai d'autre à faire et je te dois bien ça...

La danseuse lui rendit son sourire, puis l'aida à remonter à cheval.

- Je vous remercie, c'est très aimable à vous. Vous avez raison, un peu de distraction leur sera sans doute bénéfique. Je crains seulement qu'il ne m'arrive des ennuis si jamais on apprenait que... que j'étais dans l'entourage de Nuarchi...

Elle baissa les yeux, gênée.

- Pardon, je n'ai pas à vous ennuyer avec ça. En route, je ne voudrais pas vous retarder.

La jeune femme haussa les épaules

- Tu as survécu, voilà tout...Ce n'est pas un crime. Nous vivons dans un monde d'homme et il n'est pas toujours facile d'avoir le choix. Je n'ai aucune raison de dévoiler ton passé, je préfère moi-même que le mien reste derrière moi. Tu peux me tutoyer tu sais. Mon nom est Zheng Hua, je ne sais pas si je te l'ai déjà dit.

Zheng Hua chevaucha quelque minutes en silence et hésita un instant avant de poser une question

- Tu...tu avais ...l'air de connaître le garçon qui nous a aidé tout à l'heure...Il..Enfin, il était avec toi ?

Autant jouer franc jeu avec Zheng Hua. Yu Yan n’avait aucune envie qu’elle l’apprenne par ce jeune coq prétentieux, qui lui présenterait les choses de manière tronquée.

- Je m’appelle Yu Yan. Quant à Jin Lan Zi… Hé bien en fait… On s’est rencontré par hasard hier. J’ai réussi à échapper aux Khitan grâce à un officier Jin qui m’a protégée et qui a été blessé pendant l’attaque. Cet homme m’a sauvé la vie après avoir veillé sur ma sécurité, il m’a toujours traitée avec beaucoup d’égards et de délicatesse. Il était normal que je l’aide en retour et je ne veux pas qu'on lui fasse du mal. Enfin… Toujours est-il qu’il a très mal pris le fait que je porte assistance à son ennemi, et que je l’ai envoyé paître. Il m’a suivie quand j’ai filé ce matin, mais il n’était pas très discret, alors je l’ai attrapé… Comme il était de Jilin, je lui ai montré le pendentif que tu m’as donné et il m’a indiqué l’auberge. C’est comme ça que je t’ai trouvée.

La jeune femme poussa un bref soupir de soulagement puis parût surprise

- Ho, tu lui as montré le pendentif ? elle semblait gênée hm ! Enfin, ce n'est pas grave, c'est un imbécile prétentieux, comme tous les hommes, mieux vaut ne pas s'occuper de lui. Pour le reste, je pense que ce Jin t'as dupée, ils sont retors et leur visage change comme de la cire lorsqu'ils veulent quelque chose...Enfin, ça n'aurait rien changé de toute façon.
Ce qui m'étonnes, c'est cette histoire de Khitan : cela fait longtemps qu'ils ont été chassés du territoire par les Jin. S'ils reviennent, c'est que certaines tribus ont du retrouver un chef ou qu'ils préparent quelque chose.

La route continua quelques temps, laissant transparaître une large forteresse, perchée sur un plateau de rocs jaunes, où affluaient un nombre importants de personnes : les routes qui y menaient semblaient être prise d'assaut

- C'est là bas. La forteresse de Tian Chi, le Bassin du Ciel. Elle est construite à coté d'un lac. Les gens disent que ce sont les larmes d'une immortelle qui l'ont formé et que ses eaux soignent les blessures de l'âme. C'est surtout le meilleur point de la région pour se défendre : très peu d'accès et des hauteurs dures à pratiquer à cheval.

- Tu connais sans doute mieux les Jin que moi, mais j'ai confiance en cet officier, se contenta-t-elle de répondre.

Elle regarda la forteresse et les routes grouillantes de monde, retint son souffle. La perspective de devoir y résider ne l'enchantait pas. L'ancien capitaine et elle le savaient bien : quand Nuarchi prendrait la citadelle, il n'épargnerait personne, quel que soit le nombre de réfugiés à l'intérieur. L'exemple devait frapper les esprits.

- On dirait que toute la région s'est donnée rendez-vous ici pour bénéficier de la protection du général Wang...

[hop : Rendez vous au scenario I] ^^